Par Didier Cozin.
Face à la crise de mars 2020, seule une rapide et durable montée en compétences des travailleurs pourra produire et conforter la relance économique du pays. En serons-nous capables ?
Patrick Artus faisait remarquer récemment sur BFMTV que trois dangers principaux guettent l’économie française :
- un engorgement de notre système de formation incapable de reconvertir des millions de travailleurs ;
- l’entretien d’entreprises Zombies via le crédit gratuit ;
- la descente en gamme des emplois.
La formation et l’éducation des travailleurs seront la clé de notre redémarrage économique. Ce volet des plans de formation, de tout temps négligé, raté ou simplement reporté pourrait être très difficilement activable.
Notre pays a perdu une grande part de son industrie, de ses compétences et de sa compétitivité depuis les années 2000. Avant même la crise consécutive au Covid-19 notre économie était plombée par les faibles compétences de ses actifs.
Depuis l’avènement d’une économie de la connaissance et de l’utilisation des datas le capital humain devient le principal facteur de progrès et de développement des pays, des organisations et des individus.
Tous les indicateurs internationaux positionnent les adultes en France, tout autant que leurs enfants, dans la queue des classements éducatifs : entre la 22e et la 25e place (indicateurs PIAAC, PIRLS, PISA…)
Le mythe d’une main-d’œuvre mieux formée et protégée par le pays et son modèle social, plus ingénieuse et plus productive n’est plus avéré depuis longtemps,
Notre outil de travail et les emplois se déclassent : les équipements comme les hommes sont usés ou dépassés. De nombreux patrons renoncent à investir dans des usines par défaut de main-d’œuvre compétente, entreprenante et motivée.
Aucune réforme du droit du travail, comme de la formation, n’a pu jusqu’à présent octroyer au monde du travail les moyens financiers et organisationnels pour assurer la compétence les travailleurs salariés comme non-salariés.
Économie de la rente et déclin de la compétitivité
Tel un ressort qui se tend, au fil des ans et des espérances déçues, notre pays a perdu ses compétences, sa compétitivité et une grande partie de son attractivité.
Depuis mars 2020 la France a emprunté des centaines de milliards et le « quoi qu’il en coûte » n’a fait que colmater des brèches sociales sans réellement investir dans les compétences (le FNE formation d’avril 2020 n’a pu octroyer que 10 % de sommes prévues pour la formation)
Quoi qu’il en coûte il faut développer notre éducation
À l’avenir, nos rentes sociales, financières, économiques et éducatives seront remises en question, il ne sera plus possible de compter sur notre État surendetté pour éteindre les incendies, guérir plutôt que prévenir, indemniser sans fin des secteurs économiques incapables de s’adapter ou de changer.
L’éducation n’a jamais été la mère de toutes les batailles, c’est le dossier le plus négligé et le moins sexy pour les Français.
Ils sont capables de se mobiliser durant des années pour leur retraite, leur chômage, leurs aides et subventions diverses. Sur le versant éducation il en est tout autrement : le sujet est faussement consensuel (un peu comme l’humanitaire) car l’éducation a été confiée en presque totalité à l’État ; ne parvenant plus à encadrer ni même à éduquer le pays entier, celui-ci n’accepte pas de lâcher la bride, de permettre au privé de prendre toute sa place, que ce soit dans l’éducation initiale, professionnelle comme dans la formation continue, strictement encadrée par l’État.
La formation est surtout une incantation
On ne récolte que ce qu’on aura au préalable semé. L’éducation des jeunes comme des adultes est un pari sur l’avenir, une projection dans le futur, pas simplement un discours incantatoire.
Un temps conséquent doit être consacré aux apprentissages. Aujourd’hui en France et selon l’INSEE, un ouvrier non qualifié passe 6 heures par an à apprendre (contre 12 heures pour les femmes), il faudrait qu’il y consacre 10 % de son temps travaillé, environ 150 heures par an.
Des budgets importants doivent être dédiés à la formation. Si les principaux pays de l’OCDE dépassent 2 % de leur PIB en dépenses de formation, en France le budget tourne autour de 1,5 % par an dont une bonne part de dépenses pour des formations réglementaires.
Des moyens humains sont nécessaires pour la formation. Elle mobilise moins de 100 000 professionnels pour 30 millions d’actifs alors que les systèmes publics d’éducation disposent de plus de un millions d’enseignants, y compris dans le supérieur, pour seulement 15 millions d’élèves.
La responsabilisation de tout le corps social est une des clés. L’ancienneté (la fameuse GVT dans le public), les avantages acquis, le Code du travail, n’encouragent pas les efforts éducatifs. Dans un monde du travail largement bloqué sur le diplôme, le concours, la qualification, celui qui apprend et se remet en question est rarement promu ou récompensé.
En finir avec les rentes éducatives et sociales
Nos diverses rentes sociales, économiques et éducatives accumulées depuis l’après-guerre, du temps de la reconstruction, empêchent le pays de reprendre pied dans cette nouvelle économie rapide, nerveuse et exigeante promouvant l’innovation, la prise de risque, la compétence et la compétition.
Il nous reste 18 petits mois pour recouvrer nos compétences
Si dans les prochains mois l’État persiste à entretenir ce modèle social désormais financé à crédit, si nous tergiversons des années encore sans former, éduquer ou reconvertir massivement les millions de travailleurs (un quart sans doute des actifs soit 6 à 8 millions de personnes), nous courrons le risque de laisser passer le train des nouvelles économies développées.
August 13, 2020 at 10:41AM
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