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Education : les «vacances apprenantes» prises de court - Libération

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L’école est finie. Mais l’été sera apprenant. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, l’a trompeté à la télé et la radio au début du mois de juin. «Nous allons mettre 200 millions qui permettront à un million d’enfants et de jeunes d’avoir des vacances épanouissantes et éducatives, entièrement gratuites pour les familles les plus modestes.» Sur le moment, il faut bien le dire, l’information est tombée dans un trou. Dans les écoles, les directeurs avaient la tête sous l’eau, empêtrés dans une autre urgence : organiser le retour en classe dans le respect du protocole sanitaire. Dans les mairies, pas mieux, l’entre-deux-tours des municipales n’aidant pas… Quant aux parents d’élèves, beaucoup sont sur les rotules avec ce confinement-déconfinement et naviguent à vue pour l’organisation des semaines à venir. Bref, le plan vacances apprenantes du gouvernement, prometteur sur le papier, a un peu de mal à démarrer.

«L’école ouverte» malgré des profs essorés

A l’origine, c’est un dispositif mis sur pied en 1991 par Lionel Jospin : accueillir pendant les vacances des élèves en difficulté, sur la base du volontariat, pour un stage de remise à niveau. Jusqu’ici, l’effort se concentrait surtout sur les élèves de CM2 dans les quartiers difficiles, la dernière semaine d’août, pour rendre un peu moins rude leur rentrée au collège. Les meilleures années, 140 000 enfants (sur 12 millions de la maternelle au lycée) en profitaient. Objectif de l’exécutif pour cet été : accueillir 400 000 élèves les deux premières semaines de juillet et les deux dernières d’août. En mettant notamment le paquet sur les lycées professionnels, dont les élèves ont le plus souffert du confinement.

Bonne idée en théorie. Mais combien d’établissements seront ouverts la semaine prochaine ? Et avec quels profs ? Mystère. Le ministère refuse de donner des chiffres, indiquant qu’il est trop tôt… En Seine-Saint-Denis, où les besoins sont importants, 36 collèges sur les 130 du département seront ouverts, en mesure de recevoir chacun une cinquantaine d’élèves. «Sur l’aspect logistique, nous avions les moyens de monter en charge, précise le département. Mais le nombre de professeurs mobilisés, ce n’est pas de notre ressort.»

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Le dispositif repose sur le volontariat. Les profs seront payés 26 euros de l’heure en moyenne, en supplément de leur salaire mensuel, précise le ministère. A Saint-Denis, une directrice d’école assurait qu’autour d’elle, plusieurs collègues s’étaient déclarés volontaires, pour gagner un peu d’argent. Francette Popineau, cosecrétaire générale du SnuiPP-FSU (syndicat majoritaire), est un peu plus sceptique, pariant sur un recours à des contractuels. Pas tant parce que les profs ne veulent pas mais en raison de l’état d’épuisement des troupes. Philippe Vincent, représentant du syndicat majoritaire des chefs d’établissement (SNPDEN), fait aussi la moue : «Cela nécessite une logistique importante. En lycée professionnel notamment : le ministre voudrait qu’on ouvre les ateliers techniques aux élèves. C’est une belle idée mais il y a des règles de sécurité très strictes : il faut les bons profs pour chaque atelier, ce n’est pas si simple.» Et puis, fait-il remarquer, «expliquez-moi comment des élèves perdus de vue pendant le confinement vont se réveiller lundi et se dire : "Tiens, ce sont les vacances, je vais en cours" ?»

Le ministère veut y croire et souligne que l’effort financier est conséquent : 63 millions, qui doivent aussi permettre d’organiser de courts séjours de deux à trois jours : «l’école ouverte buissonnière». Là aussi, l’idée peut séduire les équipes. Mais encore faut-il qu’elles soient informées et qu’elles aient matériellement le temps d’organiser des sorties. Ce n’est évidemment pas représentatif mais, parmi les professeurs que nous avons contactés, deux d’entre eux ignoraient l’existence de ce dispositif.

Les «colos apprenantes», pratique méconnue

L’intitulé a fait bondir les organisateurs de colos. Surtout les petites associations de l’éducation populaire qui résistent vaille que vaille face aux groupes privés. «Mais comment un ministre peut dire "colos apprenantes" ! Comme si en colonie, on n’apprenait rien… C’est vexant», réagit Melissa Peron, présidente de Wakanga, une association bretonne qui organise des colos. Comme d’autres, elle a refusé de rentrer dans le dispositif du ministère. Parce que les délais étaient trop courts aussi. Louise Fenelon-Michon, de l’Union nationale des associations de tourisme (Unat), a eu la même réaction au démarrage, puis s’est ravisée : «C’est une chance malgré tout. Cela fait longtemps que l’Etat n’a pas investi de l’argent dans les colos. C’est aussi la reconnaissance de notre rôle, de l’importance d’envoyer les enfants en vacances, qu’ils sortent de chez eux, prennent l’air.»

Les «colos apprenantes», comme les appelle Jean-Michel Blanquer, ressembleront en réalité à s’y méprendre aux colos classiques. «Il n’a jamais été question de faire des cours, assis sur une chaise. Nous ne sommes pas l’école, ce n’est pas notre métier», explique Guillaume Legaut, directeur général de l’UCPA, l’un des gros mastodontes du secteur. Après quelques heures de négociations avec le cabinet du ministre, les principaux acteurs du secteur sont tombés d’accord sur une formulation alambiquée, et du coup assez souple : «Présence significative et explicitée de temps de renforcement des apprentissages et valorisation de l’objectif de réussite de la rentrée scolaire pendant les séjours.» En pratique, cela passe par des choses simples : réapprendre à se concentrer en écoutant attentivement une règle de jeu, tracer un terrain de basket sur la pelouse et en profiter pour faire des maths et des angles droits… A ce jour, environ 3 000 séjours sont labellisés.

L’Etat finance à hauteur de 80 % le séjour ; le reste est à la charge de la mairie. Il n’y a pas de critères financiers stricts : les séjours sont gratuits pour les enfants de milieu modeste ou ayant vécu un confinement compliqué (dans une famille monoparentale, par exemple). Chaque cas est laissé à l’appréciation de la mairie. «C’est à la fois bien car cela ouvre les portes de la colo à plein d’enfants, et à la fois problématique car toutes les inscriptions doivent passer par les mairies. Or, avec les élections, certaines équipes arrivent à peine en fonction et la communication a été peu faite aux familles», explique Louise Fenelon-Michon. L’information semble en effet avoir peu circulé si on juge du nombre d’enfants inscrits… L’UCPA, qui a ouvert spécialement 40 000 places, ne comptait mercredi que 6 000 inscrits. La Ligue de l’enseignement, autre gros acteur du secteur, n’avance pas de chiffres pour l’instant. Michel Ménard, secrétaire général en charge des vacances, préfère se projeter : «Si l’Etat pouvait pérenniser cette aide… Les enfants ont besoin des colos, tout le temps.»

Marie Piquemal , Fanny Guyomard


July 04, 2020 at 12:18AM
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